Ressources pédagogiques de la filière semences
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La mutagénèse

Une mutation est une modification de l’information génétique contenue dans l’ADN. Elle affecte la séquence par le remplacement d’un ou plusieurs nucléotides, l’insertion ou la délétion de quelques nucléotides. Elle peut être due à l’instabilité du génome, à des erreurs de copie ou de réparation lors de la multiplication des cellules ou de la reproduction sexuée, à des coupures de l’ADN, à des conditions environnementales ou à l’action ciblée du sélectionneur.

Les mutations sont la source de la variabilité dans une même espèce.

Les mutations spontanées

Les mutations spontanées sont rares (10-6, 10-7 par gène et par génération) mais néanmoins significatives. La plupart sont neutres (n’influencent pas la valeur sélective), les moins favorables sont éliminées par la sélection naturelle. Les agriculteurs et les sélectionneurs qui ont choisi depuis des siècles de façon plus ou moins empirique les plantes les plus intéressantes ont souvent choisi en fait des plantes mutantes.

Les mutations induites

Elles peuvent être provoquées par des traitements physiques (UV, rayons X…) ou chimiques (divers agents alkylants…) qui augmentent significativement le taux de mutation (plus de 500 fois, par exemple, chez Arabidopsis par l’ethyl methane sulfonate – EMS). La probabilité de produire ou modifier un caractère intéressant pour le sélectionneur est alors ainsi fortement augmentée.

Ainsi, la majeure partie des variétés des espèces cultivées depuis 50 ans est issue de mutagénèses spontanées ou induites.

La mutagénèse est aussi une technique essentielle pour l’étude de gènes spécifiques. Elle permet de d’obtenir une multitude d’informations dont le rôle et la fonction d’un gène.

Analyse des mutants en sélection

En provoquant des mutations sur des plantes, les sélectionneurs obtiennent et étudient de grandes collections de génotypes, différant pour certains caractères comme les résistances aux herbicides, aux pathogènes, les qualités gustatives ou nutritionnelles…
La compilation et l’analyse complexes de l’ensemble des informations pour tous les mutants d’une même variété, permettent de comprendre de mieux en mieux les mécanismes impliqués dans le développement et la physiologie des plantes. Généralement, les sélectionneurs s’intéressent à une fonction donnée (agronomique comme la résistance à des facteurs abiotiques, de qualité du produit…) et après une mutagénèse induite sur une collection, cherchent des phénotypes mutants pour lesquels la fonction est perturbée. Ils peuvent ainsi remonter aux gènes impliqués.

Il est également possible de partir de la séquence connue d’un gène dont on recherche ou veut modifier la fonction. Dans ce cas, les sélectionneurs provoquent puis recherchent des mutations, spécifiquement sur ce gène, et observent le phénotype des plantes obtenues afin de vérifier l’impact des mutations sur la fonction. Ils utilisent le TILLING pour cela.

TILLING : IDENTIFICATION A HAUT DÉBIT DE MUTATION PONCTUELLE

Le TILLING (Targeting Induced Local Lesions in Genomes) est une technique permettant de caractériser et d’utiliser la diversité génétique en identifiant des mutations induites localement dans le génome.

Elle consiste à provoquer des mutations aléatoires (chimiques) sur un gène étudié (séquence connue, fonction non connue mais soupçonnée). Des enzymes capables de reconnaître spécifiquement des défauts d’appariement et de couper le gène étudié à certains endroits bien précis permettent d’isoler des plantes mutantes potentiellement intéressantes. Les chercheurs peuvent alors étudier le phénotype de chaque plante mutante et confirmer ou déterminer ainsi la fonction du gène.

La technique dite de « TILLING » a déjà été utilisée avec succès dans le cas de la tomate, du blé, du pois, du colza… Ainsi, certaines mutations repérées chez les solanacées ont permis de confirmer qu’une altération spécifique d’un gène permettait d’induire la résistance à une famille de virus (potyvirus) en bloquant la formation d’une protéine utilisée par le virus dans son cycle infectieux. L’utilisation du TILLING permet alors de repérer et de sélectionner des plantes résistantes à ce virus.

LA MUTAGENÈSE DIRIGÉE PAR UTILISATION D’OLIGONUCLÉOTIDES

Des modifications du génome ou de son expression peuvent être provoquées de manière extrêmement spécifique et précise par l’utilisation d’oligonucléotides ou de protéines de synthèse.

Les oligonucléotides de synthèse (petits morceaux d’ADN) permettent de cibler des gènes d’intérêt pour les modifier ou les inactiver. Ils correspondent à des segments de séquence de gènes que l’on veut étudier, mais qui diffèrent par un nucléotide.

Introduit dans la cellule, cet oligonucléotide peut s’associer à l’ADN de la plante. Le mécanisme endogène de réparation va alors repérer le nucléotide différent et provoquer une mutation sur l’ADN de la plante.

L’oligonucléotide, qui est rapidement dégradé dans les cellules, n’est jamais intégré dans le génome de la plante.

LA MUTAGENÈSE DIRIGÉE PAR UTILISATION DE NUCLÉASES

D’autres outils permettent d’induire des mutagénèses dirigées. Il s’agit de protéines de synthèse qui comportent une nucléase, c’est-à-dire une enzyme qui coupe les doubles brins d’ADN. Parmi ces outils, on distingue, les nucléases à doigt de zinc, les méganucléases, les TALENs et les CRISPR-Cas9.

Les nucléases à doigt de zinc sont des protéines fabriquées artificiellement, capables de détecter des segments d’ADN déterminés et de les couper. Elles se caractérisent par la présence d’un ion de Zinc qui donne une forme tridimensionnelle particulière en ciseaux. Elles comprennent un domaine de liaison à l’ADN spécifique (qui reconnaît une séquence spécifique d’ADN) et un domaine catalytique non spécifique (qui induit la coupure du double brin d’ADN).

Elles agissent en se liant spécifiquement à la une séquence d’ADN. Ces nucléases à doigt de zinc entraînent l’insertion ou la délétion ciblée d’un nucléotide, avec éventuellement pour conséquence l’apparition ou la disparition d’un caractère.

D’autres types de nucléases peuvent être utilisées (meganucléases, TALENs) qui toutes utilisent le principe de reconnaissance spécifique d’une séquence d’ADN et la capacité de le couper.

Les nucléases les plus récemment utilisées, les CRISPR-Cas9 (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats), sont des endonucléases possédant un domaine qui se lie spécifiquement à un ARN guide d’environ 20 nucléotides. Cet ARN guide est complémentaire de la séquence cible de l’ADN et en s’hybridant spécifiquement avec elle, positionne la nucléase CRISPR-Cas9. Il en résulte un positionnement très précis de la nucléase qui coupe l’ADN à l’endroit souhaité.

Ces nucléases peuvent être aussi utilisées en transgénèse pour couper l’ADN et permettre l’introduction d’un gène.