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La protection des variétés végétales

Les créateurs de nouvelles variétés peuvent faire protéger celles-ci. Dans l’Union européenne et en France, cette protection est attestée par un titre de propriété appelé « Certificat d’Obtention Végétale » ou COV. Il interdit à quiconque la production et la vente des semences de la variété sans l’accord de son propriétaire, l’obtenteur. En France et dans l’Union européenne, une variété végétale ne peut pas être protégée par brevet.

Pour protéger la création variétale, une majorité de pays ont opté pour le COV, qui garantit un libre accès à la diversité génétique ; d’autres, pour certains types variétaux, mettent en œuvre le brevet qui obéit à une logique d’application industrielle et d’inventivité.

Pourquoi protéger la création variétale ?

Le principe de la propriété intellectuelle est indissociable de la création elle-même, qu’elle soit scientifique, littéraire, technique ou artistique…

Cette protection reconnaît l’apport du créateur à la société et l’intérêt de son œuvre ; les droits financiers (royalties, redevances, droits d’auteur…) rémunèrent son travail et lui permettent de poursuivre son activité.

La création variétale est le fruit de recherches, souvent longues et coûteuses ; l’obtenteur peut donc demander la protection de sa variété, au même titre que d’autres créations intellectuelles.

Comme les variétés végétales ont des caractéristiques particulières qui font que les autres droits de propriété intellectuelle ne sont pas applicables, il a fallu trouver une solution juridique originale, à savoir le COV.

Depuis quand protège-t-on les variétés en France ?

Longtemps, les créateurs n’ont eu pour vivre que ce que leur octroyait le bon vouloir du roi. Ce n’est qu’en 1791 qu’une loi posa les principes de la propriété intellectuelle. Mais on mit longtemps à les étendre au « vivant » : le premier brevet fut délivré en 1865, au profit de Louis Pasteur.

Autour des années 1920, les obtenteurs, mobilisés pour faire reconnaître leur travail, eurent recours à ce système.

En 1922, eut lieu le premier procès concernant une contrefaçon végétale. Cependant, les États-Unis furent les premiers à faire breveter des plantes en 1930.

En Europe, il fallut patienter encore trente ans pour que soit enfin mis au point, au prix de longues négociations, le système du Certificat d’obtention végétale (COV).

Voir le Règlement CE du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales

Brevet & COV, quelles différences ?

LE COV

Il permet :

  • De contrôler les conditions d’utilisation de la variété de l’obtenteur ;
  • De rétribuer le travail de l’obtenteur. Quiconque se sert de son matériel de reproduction pour réaliser une production ou pour le commercialiser doit acquitter une redevance comprise dans le prix de vente (ou réglée à part, dans le cas des semences de ferme) ;
  • De laisser la ressource libre d’accès aux autres personnes (obtenteurs, agriculteurs, citoyens…) à des fins de recherche et sélection. N’importe qui peut utiliser librement et gratuitement la nouvelle variété pour en créer une autre, dès lors qu’elle est distincte, sans qu’il soit nécessaire d’avoir l’accord du propriétaire, ce qui assure la continuité de l’amélioration génétique de chaque espèce végétale.

À ce jour, 73 Etats et 2 organisations régionales (l’Union européenne qui comprend 28 Etats membres et l’OAPI, l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle, 17 Etats membres), en Europe, en Amérique, en Afrique et en Asie, ont adhéré à la Convention de l’UPOV, l’Union internationale pour la Protection des Obtentions Végétales ; ce qui veut dire que 94 Etats ont une législation applicable en matière de protection des obtentions végétales.

En France, le COV est délivré par l’INOV, Instance Nationale des Obtentions Végétales. Il donne à son détenteur le droit d’exploiter exclusivement la variété protégée pendant 25 ou 30 ans (pomme de terre, vigne, arbres fruitiers) selon l’espèce.

L’obtenteur peut également, en fonction de ses objectifs de marché, opter pour une protection communautaire qui couvre tout le territoire de l’Union européenne. Cette protection a également une durée pouvant aller jusqu’à 25 ou 30 ans. Dans ce cas, il doit s’adresser à l’OCVV, l’Office Communautaire des Variétés Végétales, installé à Angers.

Dans les deux systèmes, l’obtenteur peut demander la protection d’une variété relevant de tous les genres et espèces végétaux.

 

LE BREVET

D’autres pays, et particulièrement les États-Unis, ont opté pour un système de protection différent : le brevet ou une combinaison des deux.

Ce système juridique a été mis au point aux États-Unis où fut posé, dès 1930, avec le Plant Patent Act, le principe du brevet sur les espèces végétales ; cette protection se limitait néanmoins aux plantes à multiplication végétative, sur une durée de 17 ans, sans exemption de recherche.

Le dispositif fut complété en 1970 par le Plant Variety Act, qui engloba les variétés se reproduisant par voie sexuée. Cependant, le dépôt de brevet resta rare jusqu’au développement des nouvelles technologies : en 1980, un nouveau pas fut franchi lorsque la Cour suprême américaine accepta la brevetabilité d’une souche de micro-organismes génétiquement modifiés.

Dans l’UE et en France, ne sont pas brevetables :

  • Les obtentions végétales protégées par un COV, variétés végétales, races animales ;
  • Les procédés essentiellement biologiques pour l’obtention des végétaux et des animaux ; sont considérés comme tels les procédés qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection ;
  • Les produits exclusivement obtenus par des procédés essentiellement biologiques, y compris les éléments qui constituent ces produits et les informations génétiques qu’ils contiennent.

Les plantes sont brevetables si la faisabilité technique de l’invention n’est pas limitée à une seule variété végétale.

 

EN BREF

Utilisation d’une variété protégée Par un brevet
hors Union européenne
Par un COV
en France après la loi de décembre 2011 ou dans l’UE
pour créer une nouvelle variété Accès interdit Accès libre
à titre expérimental
sans production
Variable Accès libre
après récolte pour ressemer son champ
semences de ferme
Variable Accès libre
pour 21 espèces pour la protection dans l’Union européenne et
21 (les mêmes que dans l’UE) + 13 autres pour la protection française
contre rémunération équitable de l’agriculteur pour l’obtenteur

Quelle est la nouveauté de la loi du 8 décembre 2011 ?

Avant la loi, la pratique des semences de ferme avec des variétés protégées par un COV français était interdite en France. Depuis, cette pratique est autorisée pour 21 espèces définies par la réglementation européenne à condition qu’elles soient protégées par un COV communautaire, auxquelles s’ajoutent 13 autres espèces listées par la loi française (dans le cas d’une protection uniquement française), sous réserve pour l’agriculteur de rémunérer l’obtenteur des variétés qu’il utilise.

Voir la loi du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale

Voir le Décret du 1er août 2014 portant application de l’article L. 623-24-1 du code de la propriété intellectuelle

Les 21 espèces autorisées en semences de ferme par la réglementation européenne :

Plantes fourragères

  • Cicer arietinum – Pois chiche
  • Lupinus luteus – Lupin jaune
  • Medicago sativa – Luzerne
  • Pisum sativum (partim) – Pois fourrager
  • Trifolium alexandrinum – Trèfle d’Alexandrie
  • Trifolium resupinatum -Trèfle de Perse
  • Vicia faba – Féverole
  • Vicia sativa – Vesce commune
  • et, dans le cas du Portugal, Lolium multiflorum – Ray-grass d’Italie

Céréales

  • Avena sativa – Avoine
  • Hordeum vulgare – Orge
  • Oryza sativa – Riz
  • Phalaris canariensis – Alpiste des Canaries
  • Secale cereale – Seigle
  • Triticosecale Wittm – Triticale
  • Triticum aestivum – Blé
  • Triticum durum – Blé dur
  • Triticum spelta – Épeautre

Pommes de terre

Solanum tuberosum – Pomme de terre

Plantes oléagineuses et à fibres

  • Brassica napus – Colza
  • Brassica rapa – Navette
  • Linum usitatissimum – Lin oléagineux, à l’exclusion du lin textile

Les 13 espèces supplémentaires autorisées par la loi française :

Plantes fourragères

  • Trifolium pratense – Trèfle violet
  • Trifolium incarnatum – Trèfle incarnat
  • Lolium multiflorum – Ray-grass d’Italie
  • Lolium hybridum – Ray-grass hybride
  • Lathyrus spp. – Gesses

Plantes oléagineuses

  • Glycine max – Soja

Plantes à usage de cultures intermédiaires piège à nitrates

  • Sinapis alba – Moutarde blanche
  • Avena strigosa – Avoine rude

Plantes protéagineuses

  • Pisum sativum – Pois protéagineux
  • Lupinus albus – Lupin blanc
  • Lupinus angustifolius – Lupin bleu

Plantes potagères

  • Lens culinaris – Lentille
  • Phaseolus vulgaris – Haricot

Les semences de ferme

Lorsque l’agriculteur prélève une partie de sa récolte pour réensemencer ses champs, on appelle cela des « semences de ferme ». Cette pratique existe pour des espèces et des variétés pouvant se reproduire en conservant leurs caractéristiques, comme pour le blé.

L’agriculteur peut le faire librement pour des variétés qui ne sont pas protégées par un COV.

Par contre, l’agriculteur lèse l’obtenteur qui a travaillé pour créer de nouvelles variétés, et dont l’agriculteur est le premier à bénéficier (plus de 5.000 variétés sont ainsi mises à disposition des agriculteurs chaque année) s’il applique cette pratique à des variétés protégées.

En France, compte tenu de la protection communautaire qui autorisait la pratique des semences de ferme pour 21 espèces végétales, un accord interprofessionnel est intervenu au sein de SEMAE (ex GNIS) en 2001 pour le blé tendre ; cet accord a été étendu depuis aux autres céréales à paille. Un accord a également été obtenu en plant de pomme de terre.

Ces accords préservent la liberté de choix des agriculteurs (en autorisant leur utilisation d’une partie de leur récolte pour leurs propres semis/plantations), tout en rétribuant le travail des obtenteurs, par le biais d’une Contribution Volontaire Obligatoire (CVO) perçue dans le cas des céréales sur les récoltes des céréales commercialisées et en plants de pomme de terre sur les hectares plantés avec du plant de ferme.

Ces recettes sont versées aux obtenteurs, publics et privés, comme redevance issue des semences/plants de ferme de leurs variétés protégées.

En céréales à paille, l’accord prévoit également qu’une partie des sommes recueillies est destinée à financer des recherches dans différents domaines scientifiques de l’amélioration du blé tendre et des autres espèces : qualité des produits, adaptation à la transformation alimentaire, agriculture durable.

L’accord interprofessionnel relatif à la recherche et à l’innovation variétale dans le domaine des céréales à paille

En pomme de terre, l’accord inclut un volet phytosanitaire. La production de plants de ferme est soumise à la détection des bactéries et nématodes effectuée sous le contrôle du service en charge de la protection des végétaux.

L’accord interprofessionnel sur les plants de ferme de pomme de terre

Photo haut de page : © SEMAE / Paul Dutronc